Complémentarité avec les autres droits

Comme nous avons pu le voir dans les paragraphes précédents, le droit des dessins et modèles est à la frontière entre plusieurs autres droits de la propriété intellectuelle : le droit d’auteur, le brevet, et même la marque.
 

  • Le droit d’auteur :

Le droit d’auteur protège les créations dès leur matérialisation, à condition qu’elles soient originales. Il n’y a pas besoin de dépôt.

Une grande partie des produits pouvant bénéficier du droit des dessins et modèles bénéficient souvent déjà du droit d’auteur. En effet, la protection portant sur l’apparence, l’effort créatif sur l’esthétique ou la décoration du produit peut mener à une reconnaissance d’originalité au sens du droit d’auteur.

C’est la théorie de l’unité de l’art : un objet industriel avec un esthétisme particulier, quel que soit l’utilisation, bénéficie du droit d’auteur à condition qu’il soit original.

Le droit d’auteur étant automatique, sans besoin de dépôt, le titulaire du dessin et modèle doit seulement prouver qu’il est bien l’auteur et si besoin, que la création est originale.

Les avantages de cette double protection sont nombreux :

  • La double protection renforce la dissuasion et les moyens d’action ;
  • Le droit du dessin et modèle étant valable dans le pays où le dépôt est effectué (territorialité), le droit d’auteur permet d’élargir la protection dans les pays signataires de la Convention de Berne de 1886 (plus de 175 pays) ;
  • Le droit d’auteur permet une durée de protection plus longue : 70 ans après la mort de l’auteur, contre 25 ans après le dépôt pour les dessins et modèles.
  • Le certificat de publication du dessin et modèle peut constituer une preuve de titularité de droit d’auteur.

 

  • Le brevet :

Le brevet (appelé brevet d’invention) est un titre délivré par une institution nationale qui protège les créations liées à l’innovation technique et industrielle. Il permet d’obtenir un monopole de 20 ans sur l’innovation qui fait l’objet du brevet.

Le droit des dessins et modèles porte seulement sur l’apparence, tandis que le brevet porte sur une invention qui apporte une nouvelle solution technique à un problème donné. Les dessins et modèles ne peuvent pas protéger des caractéristiques techniques ou fonctionnelles d’un produit, mais un brevet le peut si les conditions de validité sont respectées (nouveauté, application industrielle, activité inventive).

Il est avantageux de compléter la protection du brevet à celle des dessins et modèles, puisque cela renforce la dissuasion et les moyens d’action. Surtout, le monopole d’exploitation se trouvera à la fois sur l’aspect visuel et technique du produit. Cela constitue un avantage compétitif puissant, en plus de multiplier les actifs valorisables de l’entreprise.
 

  • La marque :

Le droit des marques porte sur les signes qui permettent de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux des concurrents. Le plus grand intérêt est que le droit des marques octroie un monopole d’exploitation sur la marque pour les produits et services désignés par le déposant.

Les éléments graphiques d’un produit, comme les logos, motifs, ou la forme particulière d’un produit, peuvent être déposés en tant que marque. Plus spécifiquement, le dépôt de marques pour une forme de produit est possible grâce à la notion de marque tridimensionnelle qui protège l’aspect d’un produit si elle est particulière.

Par exemple, ont pu être déposés comme marque l’aspect d’une bouteille comme la fameuse bouteille Perrier®, la forme de biscuits comme les Mikado®, ou d’un jouet comme un Lego®.

Les avantages de la double protection sont que :

  • La protection de l’aspect d’un produit grâce au droit des marques octroie une sécurisation quasi-perpétuelle sur le signe figuratif puisque la marque est valable 10 ans, renouvelable indéfiniment ;
  • Les conditions de dépôt de marques n’incluent pas la condition de non-divulgation, mais elles ne sont pas forcément plus simples à remplir (disponibilité et distinctivité notamment) ;
  • Le droit des dessins et modèles ne dispose pas d’un principe de spécialité : la protection est valable dans tous les domaines, contrairement au droit des marques qui limite la protection aux produits et services désignés dans le dépôt de marques ;
  • L’examen du dépôt de dessins et modèles est plus léger ;
  • Le droit des dessins et modèles ne soumet pas à une obligation d’usage. Le droit ne peut donc pas être annulé si le titulaire ne l’exploite pas.

Procéder à un dépôt de dessins et modèles en parallèle d’un dépôt de marques est donc un bon moyen d’augmenter le champ de protection du produit.

Cependant, peu de marques tridimensionnelles sont enregistrées, car l’INPI examine plus strictement les conditions de distinctivité, puisque le visuel ou élément doit pouvoir remplir la fonction d’indication d’origine du produit. Ce qui n’est parfois pas si simple quand la marque consiste en la forme d’un produit.

De plus, le droit des marques dispose d’une exclusion similaire au droit des dessins et modèles : n’est pas protégeable « un signe constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la nature même de ce produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou qui confère à ce produit une valeur substantielle » (article L711-2 du CPI). La forme ne doit donc pas être dictée par la technique ou doit diverger de la norme/habitude du secteur.

Pour conclure, le droit des dessins et modèles confère un monopole intéressant pour les créations industrielles et artisanales sur leur aspect esthétique et décoratif. Nécessitant un dépôt, en France, il est important de bien préparer son dossier en amont afin de disposer d’un droit fort. En l’absence de dépôt, le créateur pourra tout de même se prévaloir du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés, qui sont néanmoins limités. Le droit des dessins et modèles est un bon complément de protection en plus d’un brevet, d’une marque, ou du droit d’auteur si chaque critère de validité respectif est rempli. Il est alors possible pour le créateur de se constituer un droit très complet.