Exemples d’affaires connues sur la protection de concept par la concurrence déloyale

L’arrêt précité du Tribunal de Commerce de Paris du 28 septembre 2015 concerne une entreprise qui s’était inspiré du site internet et des CGV d’un concurrent, constituant un acte de concurrence déloyale parasitaire. La valeur économique du concept défendu était « le cheminement de la commande, la structure de certains écrans, le choix des messages, le recours à la voix d’acteurs, le paiement et le mode de livraison ». La société demanderesse avait justifié des investissements importants, tandis que la société adverse ne pouvait pas en justifier autant, et que par ce détournement d’investissement, elle avait pu pratiquer des prix bas, tirant un avantage concurrentiel déloyal.

Dans le même domaine des sites internet, la Cour d’appel de Paris a même jugé que « le fait que la société intimée justifie, de son côté, des dépenses exposées pour créer son propre site n’est, pas en soi, de nature à écarter le grief de parasitisme » (CA Paris, pôle 5 ch.2, 15 avr. 2016). La raison est que la société mis en cause avait créé une présentation de son site que rien n’imposait, ce qui témoignait d’une stratégie de rapprochement avec le site de son concurrent.

Une autre affaire confirme la possibilité de protéger un concept par le parasitisme : l’arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2015 (Cass. com. 31 mars 2015, n° pourvoi 14-21391). Dans cette affaire, un stagiaire avait présenté un projet à la banque dans laquelle il avait effectué son stage, qui consistait en la création d’une entreprise avec un système facilitant les transferts à l’étranger. La banque lança un service reprenant le concept peu de temps après. La Cour jugea que la banque avait « repris et intégré, dans son offre de services aux étrangers, deux éléments innovants de ce concept, la création d’un « double compte » et celle d’agences dédiées », en plus de retenir que « la valeur économique de l’emprunt de ces éléments par la Banque est établie » et que le stagiaire n’a « tiré aucun profit du produit de ses recherches dont l’intérêt économique était réel et qu’il ne pouvait plus valoriser, avait subi un préjudice dont il devait être indemnisé ».

Parfois, la protection d’un concept n’est pas si simple. Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 22 juin 2017 (n°14.20310), un ancien partenaire commercial se voit reprocher le fait d’avoir décliné le concept d’indiquer sur une bouteille de vin l’association d’un plat au vin. La Cour a jugé que « les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme » (la société avait cependant obtenu gain de cause sur le plan de la contrefaçon). Des décisions ont également pu rejeter une action en concurrence parasitaire en remettant en cause le caractère novateur d’un concept (CA Paris 4 juillet 2013 n° 11/23215).

Elle peut être mise en parallèle avec la décision la Cour de cassation du 24 novembre 2015 (Ch. Com. n° 14-16806) qui a condamné la société PEPSICO France pour concurrence déloyale pour imitation pour avoir repris l’idée publicitaire de la société Andros, la Cour estimant que « l’idée publicitaire d’associer un fruit et la marque d’un fabricant du produit fini pour désigner des jus de fruit ou des desserts fruitiers n’est pas usuelle mais distinctive des produits de cette société par son usage ininterrompu depuis 1988 », créant la confusion. Ainsi, le simple fait de reprendre une idée ne constituerait pas une faute, mais si cette idée identifie l’entreprise victime et représente une réelle valeur économique ayant nécessité des investissements, entrainant un risque de confusion ou détournement d’investissement, alors sa reprise serait un acte de concurrence déloyale.

Ces quelques affaires démontrent de la légitimité à agir en cas de reprise de concept. Elles nous enseignent quelques considérations à prendre en compte, notamment :

  • Dans le cas d’un concept peu ou pas concrétisé, il est encore plus impératif de se constituer une preuve d’antériorité, comme avec un certificat Copyright.eu;
  • Si le concept n’est pas concrétisé, le fait de démontrer une relation d’affaires ayant pu permettre au fautif de détourner le concept semble important ;
  • Il apparaît d’autant plus nécessaire de sécuriser la confidentialité et les liens avec les partenaires lors des prémices du concept ;
  • Il est primordial de démontrer les investissements et le caractère novateur du concept, en plus de s’assurer qu’aucun acteur du marché n’exploite un concept similaire ;

Pour conclure, il est donc important d’identifier les éléments qui portent la valeur économique d’un concept, sa concrétisation, qui représentent l’identité de l’entreprise, et d’être capable de justifier les investissements et efforts intellectuels qui ont été réalisés. Plusieurs moyens de protection existent, mais il convient surtout de se constituer des preuves d’antériorité et de contrôler ses communications avec les tiers. Ainsi, bien que les idées doivent être de libre parcours, il apparaît que la sécurisation d’un concept soit justifiée et possible s’il constitue un actif économique de l’entreprise.